Posté: 19 mai, 2016
Le pouvoir dans l’Église : Réflexions sur notre engagement commun à être Église
Notre communion mondiale d’Églises anabaptistes est engagée à être Église ensemble. Nous reconnaissons aussi que l’Église a besoin de personnes assumant la responsabilité de guider le troupeau. Ceci posé, nous sommes conscients que le pouvoir s’exerce de différentes manières dans nos divers contextes. Dans ce numéro de Courrier/Correo/Courrier, des responsables de notre communion réfléchissent aux façons diverses dont les anabaptistes abordent la question du pouvoir en Église : luttes et difficultés, bénédictions et avantages.
Il ne doit pas en être ainsi parmi vous
L’anabaptisme est apparu sur la scène chrétienne en Corée du Sud il y a moins de 20 ans. En 1996, un groupe d’amis chrétiens – ayant une vision émergente de l’anabaptisme – ont mis fin à un lien de longue date avec leurs églises mères, pour la plupart protestantes. Après avoir passé de longues heures dans l’étude de la Bible et des recherches historiques et théologiques, ils ont réalisé que ce qu’ils voulaient, c’était de commencer une nouvelle Église fondée sur le Nouveau Testament.
Rompre avec les grandes Églises était une chose ; en commencer une nouvelle est tout autre chose. L’anabaptisme avait encore mauvaise réputation à cette époque, si bien qu’adopter cette vision c’était aller à contre-courant de la tradition dominante. Une provocation de plus était que l’objectif était de revenir aux débuts de l’Église du premier siècle !
Depuis, le réseau anabaptiste de Corée du Sud s’est développé peu à peu, au fur et à mesure de l’intérêt manifesté pour cette nouvelle conception de l’Église.
On peut se poser la question : pourquoi ont-ils quitté leurs paroisses et ont-ils commencé un nouveau mouvement ? Parmi les facteurs ayant amené la séparation, l’un des principaux était leur conception de la nature de l’Église. Pour ces chrétiens, l’Église n’était pas une dénomination institutionnalisée qui crée inévitablement une structure de pouvoir inégale. Ils voyaient l’Église comme le corps du Christ, dans lequel le pouvoir est équitablement réparti entre frères et sœurs.
Par nature, les êtres humains désirent le pouvoir. Tout au long de l’histoire, personne n’a échappé complètement à l’attrait du pouvoir ; même Jésus a été tenté par Satan dans ce domaine. L’Église n’en a pas été exempte. En fait, de nombreux responsables d’églises sont tentés d’exercer leur autorité pour dominer les autres.
C’est exactement ce qui est arrivé aux disciples de Jésus il y a 2 000 ans : ils se sont querellés pour savoir qui était le plus grand parmi eux. Et deux d’entre eux, Jacques et Jean, ont demandé des places particulières, l’un à gauche et l’autre à la droite de Jésus glorifié (Mc 10/37). Même leur mère voulait que Jésus leur donne le pouvoir : « Promets-moi de faire siéger l’un à ta droite, l’autre à ta gauche, dans ton royaume » (Mt 20/21). Ces requêtes ont fâché les autres disciples et ils ont été indignés. Il n’est pas étonnant que cela ait été un sujet de désaccord !
Finalement, Jésus les a appelé et leur a dit : « Vous savez ce qui se passe dans les nations : ceux que l’on considère comme les chefs politiques dominent sur leurs peuples, et les grands personnages font peser leur autorité sur eux. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ! Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon de beaucoup. » (Mc 10/42-45).
Il est gênant de voir que, parfois, les chrétiens cherchent le pouvoir et la célébrité pour maintenir le statu quo. Je ne dis pas cela parce que je suis meilleur que les autres, mais parce que, moi aussi, je suis tenté de rechercher le pouvoir comme dans le monde, si je n’agis pas poussé par l’Esprit de Dieu. Malheureusement, trop peu de gens reconnaissent l’influence corruptrice du pouvoir, et trop peu se rendent compte que le pouvoir peut être utilisé à mauvais escient par des soi-disant ‘responsables’ d’églises.
On aime être appelé ‘responsable’ ou ‘directeur’. Nous avons tous tendance à demander ce titre, avec le pouvoir et la popularité qui l’accompagnent. Pourtant ce que nous désirons, ce n’est pas le type de pouvoir recherché par le monde. C’est plutôt le pouvoir que nous recevons de Dieu lorsque nous sommes faibles et pourtant rendus forts par l’Esprit de Dieu. C’est le pouvoir du serviteur, pas du chef. C’est le pouvoir de l’humilité, du renoncement au contrôle. C’est le pouvoir de ne pas tuer nos ennemis, mais de les aimer, et de donner sa vie comme notre Seigneur est venu pour donner sa vie en rançon de beaucoup.
Ne tombons pas dans le piège du diable : penser que c’est une récompense de Dieu d’être ‘au dessus des autres’. Le discipulat ne comporte pas une telle récompense. Au lieu de cela, c’est la coupe et la croix : « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire, et vous subirez le baptême par lequel je vais passer, mais quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder : ces places reviendront à ceux pour qui elles ont été préparées. » (Mc 10/40).
Que Dieu nous accorde le pouvoir de nous libérer des attentes du monde, et de nous appuyer sur Sa puissance, même dans notre faiblesse.
Kyong-Jung Kim est le représentant régional de la CMM pour l’Asie du Nord-Est. Depuis 2004, il est directeur du Centre Anabaptiste de Corée, un ministère des églises anabaptistes de la Corée du Sud.
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