Soldats dans l’armée du Dieu vivant

Au nom de nos frères et sœurs de l’Église Mennonite Intégrée aux Philippines et des églises d’Asie du Sud-Est, que je représente en tant qu’oratrice des Jeunes Anabaptistes, je voudrais vous saluer avec un joyeux « Bonjour ! ».

C’était aussi en juillet, il y a 10 ans, que j’ai dit « Au revoir ! » à ce pays dans lequel j’ai vécu pendant un an en tant que participante à IVEP (International Visitor Exchange Program), neuf mois ici en Pennsylvanie et près de trois mois dans le Colorado. Je considère les États-Unis comme mon deuxième pays, car c’est le seul où j’ai vécu à part mon propre pays. Je voudrais donc rencontrer ceux qui viennent de Chambersburg, (Pennsylvanie), en particulier de Shalom Christian Academy où j’ai travaillé comme bénévole en 2004. Je voudrais aussi saluer les membres de l’assemblée mennonite de Marion, où je suis allée pendant quelques mois avec ma première famille d’accueil.

À la mi-mai 2005, je me suis envolée pour Divide, dans le Colorado, et j’ai travaillé environ trois mois dans le Camp mennonite de Rocky Mountain, avant de finir mon année avec IVEP. Si vous aviez un emploi d’été à Rocky Mountain en 2005, ou étiez un des campeurs, nous nous sommes probablement déjà croisés et j’aimerais vous rencontrer pendant cette conférence.

Mon expérience avec IVEP a changé ma vie. Elle a élargi ma vision du monde et m’a ouvert de nouvelles perspectives sur un grand nombre de questions internationales, telles que la diversité culturelle et celle des pratiques religieuses. Pendant cette année, je suis allée dans différentes églises, dont des églises non-mennonites. C’est aussi avec IVEP que pendant le Rassemblement de la CMM au Paraguay en 2009, j’ai pu témoigner et faire l’expérience de l’adoration de Dieu en esprit et en vérité, dans des styles différents fortement influencés par le contexte géo-culturel : depuis le style européen avec des hymnes harmonieux à la musique entraînante de l’Asie, de la musique sud-américaine aux accents luau à la danse enthousiaste de l’Afrique. Aucune n’est mauvaise, elles sont simplement différentes les unes des autres. Mélangez-les toutes, et Dieu doit en sourire de là-haut ! De la même manière, Dieu savoure le doux parfum du culte de ses enfants du monde entier s’élevant jusqu’à son trône.

Ainsi, je me demande : Dieu pleure-t-il lorsque ces mêmes enfants ne peuvent marcher ensemble dans la paix ? Que pense Dieu quand il nous voit entrer en conflit, essayer de se réconcilier, et trop souvent, choisir de se séparer parce que c’est la solution la plus simple ?

Le texte de la Parole sur lequel je voudrais fonder ma réponse se trouve dans Éphésiens 4:1–7.

Introduction

Trop souvent, l’Église se complait dans la situation décrite par l’image du mouton se reposant dans de verts pâturages arrosés par un ruisseau tranquille... Et souvent, lorsque d’autres troupeaux s’approchent, ils s’enfuient de l’autre côté, où l’herbe semble toujours plus ‘verte’. Que diriez-vous de dessiner une autre image de l’Église, celle d’un bataillon de l’armée du Dieu vivant, ainsi que l’illustre l’hymne ‘Onward Christians soldiers’ ?

Il est décevant qu’aujourd’hui de nombreux chrétiens ne se comportent pas comme des soldats, mais agissent comme des enfants bagarreurs, qui débattent et se disputent, et recourent à la division comme seule solution à leurs problèmes. Et plutôt que de se multiplier par l’implantation d’églises, ils le font par ‘splanting’ (jeu de mot entre planting : implanter, et splitting : séparer).

Qu’est-il arrivé au corps du Christ unie par une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême qui adore et sert un seul Dieu et Père de tous ? Qu’est-il arrivé au désir de maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ? Permettez-moi de présenter trois raisons des conflits dans les églises : tout d’abord, lorsque le corps du Christ devient vaniteux et reflète la culture du ‘selfie’, avec la tendance narcissique d’aujourd’hui en considérant comme mineurs des problèmes majeurs, et les enjeux majeurs comme mineurs ; ensuite lorsqu’elle n’adhère plus à la fondation même sur laquelle elle est construite, ou pire, par orgueil, quand elle construit sa propre fondation ; enfin, quand les soldats de Dieu laissent tomber leur armure entière, et abandonnent la lutte.

1. La Culture du ‘Selfie’

Dans Ép 6:10–18, l’apôtre Paul exhorte les églises d’Éphèse à revêtir l’armure de Dieu, afin de lutter contre les ruses du diable. Les soldats chrétiens sont appelés à faire partie de l’armée du Dieu vivant pour mener une guerre spirituelle. Le problème est que l’ennemi se déguise si bien que beaucoup de chrétiens ne le reconnaissent pas, aussi ces mêmes soldats chrétiens finissent par ne pas attaquer l’ennemi, mais d’autres camarades.

2. Jésus, notre Fondement

Pour que l’Église vive dans le lien de la paix, elle ne doit pas perdre de vue le fondement  sur lequel elle est construite : Car les fondations sont déjà en place dans la personne de Jésus-Christ, et nul ne peut en poser d’autres. (1 Co 3:11 BFC). Parfois, l’Église pense qu’inclure Jésus (le fondement même de notre foi) dans sa structure n’est pas ‘cool’ pour les jeunes : la mention de Jésus ne ferait que provoquer des problèmes avec ceux qui adhèrent à d’autres religions, et son nom en gros freinerait la croissance des églises. Ainsi, l’Église met Jésus à l’arrière-plan et lui intime de rester dans l’ombre, caché par la foule des activités et des rituels religieux. Comme le pivot central—et la seule raison de l’existence de l’Église—est mis de côté, il n’est pas surprenant que chacun commence à avoir ses propres orientations, ce qui finalement provoque des conflits.

Jésus ne s’intéresse pas à la religion. Tout ce qu’il voulait, c’était une relation avec l’Église pour laquelle il est mort. Si l’Église ne retourne pas à la prédication de l’évangile et à la puissance salvatrice de Jésus-Christ, elle continuera à vivre dans l’impuissance, les conflits et la souffrance. Rappelez-vous que : […] prêcher la mort du Christ sur la croix est une folie pour ceux qui se perdent ; mais nous qui sommes sur la voie du salut, nous y discernons la puissance de Dieu. (1 Co 1:18).

3. L’Armure complète de Dieu

Éphésiens 6:11 dit : Prenez sur vous l’armure de Dieu. Parfois, l’armure peut être lourde, incitant les soldats chrétiens à la poser pour ‘faire une pause’. Pourtant la bataille n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les puissances cosmiques et les forces spirituelles du mal. Un vrai soldat chrétien porte toujours la ceinture de la vérité, la cuirasse de la justice, les chaussures de l’Évangile de paix, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit. Il ne se bat pas pour provoquer un conflit, mais contre les conflits pour conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.

Jésus donne la paix, mais pas comme le monde la donne. Il nous appelle à la guerre, mais pas la guerre que mène le monde. Jésus nous appelle à lutter contre les injustices, les conflits et les doutes. La bonne nouvelle est que la bataille a déjà été gagnée à la croix, il y a 2 000 ans, quand Jésus est mort et ressuscité. Il a vaincu l’ennemi en conquérant la mort et l’enfer : il est ressuscité pour que l’Église vive dans la victoire. Bien plus, Jésus ne peut-il pas gagner pour nous ces batailles que sont les conflits ?

Conclusion

Église, arrête de rêver d’une Église parfaite et idéale. Appelle tous les soldats chrétiens ici-bas à cette guerre pour l’Église que le Christ a rachetée, sauvée par grâce, par la foi et non par les œuvres ; l’Église, qui n’agit pas selon ses propres désirs qui engendrent une religion, mais qui a une relation avec le Sauveur.

Permettez-moi de terminer par une courte histoire, celle d’une jeune fille philippine prénommée Lenlen.

Les parents de Lenlen ont rencontré les premiers missionnaires mennonites dans les années 1970. En fait, c’était dans une petite école biblique que ses parents se sont rencontrés et, plus tard, se sont mariés.

Le plus ironique, c’est que deux groupes de missionnaires mennonites ayant des convictions et des pratiques bien différentes sont venus à peu près au même moment et ont implantés des églises chacun de son côté. Le premier groupe (qui avait fondé l’école biblique) était connu comme ‘progressiste’ parce que les femmes ne portaient pas la cape dress ni le head covering (vêtements portés par les femmes dans les milieux mennonites conservateurs) et ils chantaient des chants contemporains. L’autre, le groupe ‘conservateur’, menait une vie très simple comme en Amérique du Nord, et ses membres chantaient des hymnes.

Les parents de Lenlen, ainsi que la plupart de ses grands-parents maternels et paternels, oncles, tantes et cousins, décidèrent de se joindre à l’assemblée ‘conservatrice’ quand elle avait deux ans. Grandissant dans cette paroisse, elle pensait que c’était la paroisse la plus parfaite, et la seule qui obéissait exactement aux enseignements de la Bible dans ses moindres détails : les vêtements, la tête couverte des femmes, le saint baiser, etc.

Cependant, quelque chose de terrible s’est passé, qui a changé sa vie et son regard sur cette assemblée ‘parfaite’.

Ses grands-parents maternels, tantes, oncles et cousins ont quitté l’assemblée en raison de différences irréconciliables. Ce fut un énorme exode, un exode amer qui plus est. Il y avait environ 9 enfants et la plupart d’entre eux étaient mariés, ils avaient leur propre famille et ils étaient des membres actifs de l’église !

Le monde de Lenlen a basculé. Elle avait écouté en cachette des conversations entre adultes sur d’autres membres de l’assemblée et elle avait été complètement bouleversée. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient tellement en colère et fâchés avec d’autres membres, et particulièrement avec les missionnaires blancs ! Cela a été un événement tragique car il avait des répercussions sur toutes les relations familiales.

Quelques années plus tard, ce sont ses parents, et toute la famille de ses grands-parents paternels qui ont décidé de quitter les mennonites conservateurs. Son père, qui était un diacre ordonné de la paroisse, a emmené toute sa famille. Une des principales raisons de la séparation était que dans quelques années, Lenlen serait en âge d’aller à l’université, or ce n’était pas permis par les mennonites conservateurs ! Cette fois, son monde déjà sens dessus-dessous s’effondra totalement.

Cette décision de se séparer de l’assemblée mennonite conservatrice entraîna la rupture brutale de ses relations avec ses amis les plus proches, et avec sa meilleure amie. Lenlen ne fut plus autorisée à participer aux camps de jeunes ; et le fait que cet ordre venait des responsables de son ancienne assemblée lui rendit encore plus pénible cette interdiction. La raison était incompréhensible pour elle : ils  craignaient qu’elle ne pousse les autres à quitter aussi la paroisse ! Ce rejet la mit en colère parce qu’elle ne comprenait pas ce dont il s’agissait, ni pourquoi ces mêmes responsables qui disaient qu’ils voulaient que toute la famille revienne à l’assemblée, l’ostracisaient et ne lui permettaient pas de voir ses amis.

Ce qui était le plus douloureux pour Lenlen était que son monde tout entier tournait autour de cette paroisse : même son école en faisait partie ! En fait, elle n’avait jamais fait de distinction entre la paroisse et l’école. Alors, quand sa famille quitta l’assemblée, non seulement son monde bascula, mais il disparut, et elle se retrouva flottant dans une bulle…

Ce sentiment de flotter dans une bulle continua dans sa nouvelle école et dans la nouvelle assemblée locale dans laquelle elle se trouva transplantée. Elle vivait dans un état de confusion et de faiblesse, et elle se renferma sur elle-même. Ce fut la période la plus sombre, la plus triste, la plus déchirante, de sa vie. Ce fut sa ‘vallée de l’ombre de la mort’. Elle pleura beaucoup, silencieusement, pendant le plus profond de la nuit quand tout le monde dormait dans la maison.

Par la grâce de Dieu, quelques années plus tard, sa famille retourna dans la paroisse mennonite ‘progressive’ dont ses parents avaient été membres auparavant. Lentement, l’angoisse de la séparation avec ses amis mennonites conservateurs s’atténua. Elle commença à accepter et à aimer la nouvelle assemblée où sa famille allait et se fit de nouveaux amis. Mais il lui fallut six ans pour être enfin heureuse dans une église.

Malheureusement, cela n’a pas été le cas pour certains de ses oncles et tantes et d’autres amis : ils ont quitté l’Église. Aujourd’hui, certains de ses proches sont ‘sans église’ et n’ont pas envie d’y retourner. Ce qui est encore plus triste est qu’ils ont entendu parler de Jésus, mais ils n’ont plus aucune relation avec Lui.

Avec cette histoire, je voudrais lancer un appel aux responsables d’églises déclenchant un conflit. Vous avez de grandes responsabilités et vous ne pourrez pas gagner ces batailles si 1) vous vous accrochez à vos propres désirs, 2) vous oubliez de garder vos yeux fixés sur Jésus, et 3) si vous posez les armes de Dieu, parce que vous êtes trop fatigués. Rappelez-vous qu’il y a des enfants et des jeunes pris au piège des conflits. La plupart du temps, ce sont eux qui grandissent en haïssant les églises. Est-il étonnant que nous perdions nos jeunes dans nos assemblées ?

Je veux dire à ceux d’entre vous, en particulier les jeunes qui se trouvent actuellement pris au piège dans un conflit d’église : il faut que vous sachiez que l’amour de Dieu est tenace, tendre et fidèle. Demeurez dans l’amour de Dieu, abandonnez-vous à lui, et ne perdez jamais de vue l’Évangile de Jésus-Christ. Rappelez-vous que Jésus-Christ a tout accompli sur la croix. Jésus a déjà remporté la victoire sur nos péchés et nos questions. Nos responsables sont aussi des êtres humains. Ils ont besoin de nos prières, et peut-être même de notre pardon.

Ne nous attardons pas sur la mort de Jésus, mais réjouissons-nous aussi de la victoire de sa glorieuse résurrection. Gardons nos yeux fixés sur lui, en qui nous trouvons la guérison. Il est l’auteur et le consommateur de notre foi. Combattons le bon combat de la foi en étant des soldats vaillants et audacieux.

Voyez-vous, mes amis, je suis moi aussi une victime des conflits et des séparations dans l’église. Lenlen, c’est mon surnom, Lenlen, c’est moi.

—Remilyn G. Mondez est professeure adjointe d’anglais et prépare un doctorat en communication. Elle a participé au programme IVEP du Mennonite Central Committee en 2004, et était déléguée des Philippines au Sommet Mondial de la Jeunesse à Paraguay 2009.

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